Mad Max Fury Road (Chronique Films et Séries #2)

Quelle journée! Quelle merveilleuse journée!
 
Il y a de ces films qui un jour débarquent sans prévenir dans le paysage cinématographique et qui remettent tout le monde à sa place. Des films qui viennent montrer à quel point ils se démarquent de tout ce qui a été fait ces dernières années. Des films qui après le premier visionnage, vous laissent hagard, avec une seule phrase en tête: «J’avais jamais vu un truc pareil!». Mad Max Fury Road est un de ces films.

La trilogie Mad Max, réalisée par l’australien Georges Miller, aura marqué le cinéma des années 70 et 80 de par sa représentation d’un monde post-apocalyptique impitoyable où les survivants se battent pour la survie et pour la ressource qui compte le plus à leurs yeux:l’essence. Le tout à bord de véhicules customisés pour le combat. On y suivait les aventures de Max Rockatansky, ancien policier devenu un guerrier de la route à moitié fou depuis la perte de ses proches pendant l’apocalypse. Bien que le personnage soit à jamais associé à Mel Gibson, qui l’incarnera pendant trois films entre 1979 et 1985, il est ici interprété par Tom Hardy. Quand en 2015 Georges Miller a enfin dévoilé le reboot de sa saga culte, tout le monde l’attendait avec autant d’impatience que d’appréhension.
Bilan? Ce film a mis un énorme coup de pied dans l’industrie du blockbuster de ces dernières années en en redéfinissant complètement les codes. Rien que ça.

Commençons par un petit résumé. On découvre à nouveau Max errant dans le désert aride qu’est devenu son monde, qui se fait capturer par les soldats d’Immortan Joe, un seigneur de guerre local. Ce dernier dirige la Citadelle, où il règne par le contrôle de l’eau qu’il pompe sous la surface. Les survivants qui y vivent le considèrent comme un dieu vivant qui les guidera vers un monde nouveau. L’histoire commence alors qu’un convoi part de la Citadelle pour aller se ravitailler en essence et munitions à Pétroville et au Moulin à Balles, avec à sa tête la redoutable Furiosa, bras droit d’Immortan Joe. Mais bien vite, celui-ci se rend compte qu’elle a emmenée avec elle ses épouses favorites, qui souhaitaient s’échapper depuis bien longtemps. Accompagnée de toute son armada, Joe se lance alors à la poursuite de Furiosa, bien décidé à récupérer ses biens. Quant à Max, fixé sur le capot d’un des véhicules et servant de perfusion vivante à son pilote, il va se retrouver entraîné malgré lui dans cette poursuite infernale…

La première chose qui frappe lorsqu’on regarde ce film, c’est qu’il est tout simplement magnifique en terme de mise en scène et de direction artistique. Non mais vraiment! Plus de la moitié des plans qui le composent sont si bien cadrés et travaillés qu’ils pourraient servir d’affiches promotionnelles. En plus de l’imposant Porteguerre, un camion de combat piloté par Furiosa, chaque véhicule paraît unique et son usage se comprend au premier coup d’œil. Certains servent à l’attaque directe, d’autres transportent des troupes ou du ravitaillement, harponnent, enflamment, empalent ou crèvent les pneus. Et c’est sans parler du Doof Wagon! Sérieusement, dans quel autre film peut-on trouver un véhicule composé d’enceintes géantes sur lequel trône un guitariste qui joue des solos de guitare lance-flammes pour motiver les troupes? Oui, vous avez bien lu. Une. Guitare. Lance-flammes. Qui est le génie qui a eu cette idée?

Et si je vous disais que tout ce qui se trouve sur ce plan a vraiment été fabriqué? On va y revenir.


Les scènes d’action sont quant à elles à couper le souffle et réussissent à se renouveler en permanence. Malgré les trois bons quarts du film qu’occupent les scènes de course-poursuite, on ne s’ennuie à aucun moment pour peu qu’on soit pris dans l’action, étant donné qu’on a le droit à du neuf toutes les cinq minutes. On entendrait presque Miller nous dire «Ah vous pensiez avoir tout vu avec la guitare lance-flammes, hein? Hé les gars! Envoyez les guerriers qui attaquent depuis des perches à balancier!». Mais si vous n’avez pas encore vu ce film, n’allez pas croire que vous ne verrez que deux heures d’action survoltée. En effet, le film s’accorde à plusieurs reprises des instants de calme et d’émotion quand cela devient nécessaire. Ils viennent développer les personnages, faire évoluer leurs relations et apporter un moment de repos et/ou de contemplation au spectateur, avant de le replonger de plus belle dans une action grandiose. De plus, cette course-poursuite frénétique qu’est Fury Road est rythmée par une bande originale dynamique et entraînante à souhait. J’ai eu un coup de cœur pour deux morceaux en particulier: Brother in Arms et Storm is Coming, dont l’utilisation dans la scène de la tempête de sable me dresse les poils à chaque écoute. 

Abordons maintenant le point le plus discuté et débattu du film: son scénario. J’ai parfois entendu dire que Mad Max Fury Road avait un scénario bidon ou simpliste. Non. Il est basique, mais pas bidon. Il est simple, mais pas simpliste. Certes, c’est un scénario que l’on peut résumer par «partir d’un point A pour aller jusqu’à un point B», mais cela ne le rend pas mauvais pour autant. Car à ce que je sache, de grands films ont un scénario du type «point A vers point B». Par exemple, je sais pas moi, au hasard...la trilogie Le Seigneur des Anneaux? Point A: la Comté. Point B: le Mordor. Ce qui fait que ces trois films sont de grands films (et là je me retiens de hurler «Des chefs-d’œuvre, même!»), c’est ce qu’il se passe entre le point A et le point B. Et il s’y passe de nombreuses histoires et sous-intrigues entremêlées qui prennent place dans un univers dense et cohérent avec des personnages bien définis. C’est un peu la même chose dans Fury Road, à cela près que le film n’a pas le temps d’introduire un univers aussi ambitieux que celui des écrits de Tolkien, et qu’il n’y a pas vraiment de sous-intrigues. Cependant, il réussit à nous dépeindre un monde post-apocalyptique avec ses propres codes et expressions, dont certains détails intriguent, fascinent, donnent envie d’en savoir plus sur ce désert si riche en détails. Le tour de force de Fury Road est de réussir à nous exposer un univers sans utiliser son scénario. Tout passe par les dialogues, les visuels et l’interprétation que l’on s’en fait. Ainsi, des termes comme Warboys, globulard, Pétroville, le Moulin à Balles ou la phrase «Soyez témoins» se passe d’explications, car le contexte dans lesquels ils sont employés suffit à les comprendre, et ce lorsqu’il n’est pas juste nécessaire d’analyser ces termes. Par exemple, il suffit de constater que le convoi se rendant à Pétroville au début du film comporte un camion citerne et de réfléchir à son nom quelques secondes pour comprendre qu’il s’agit d’un endroit fournissant du carburant. A travers ce monde devenu fou que l’on nous dépeint, on peut sans peine comprendre les thèmes abordés au milieu du fracas de la ferraille, comme la folie, le fanatisme, la tyrannie ou encore l’envie de liberté. Cela étant, je comprends qu’on puisse quand même rester en dehors du film à force de se poser des questions sur tel ou tel élément qui apparaît à l’écran, surtout lorsqu’on est habitué à des films aux scénarios plus explicatifs.

Mais ce qu’il y a de plus incroyable dans Mad Max Fury Road, ce n’est pas sa mise en scène innovante. Ce ne sont pas ses scènes d’actions qui vous décrochent la mâchoire toutes les cinq minutes. Ce n’est pas non plus le fait que le film réussit à exposer un univers fascinant et à le rendre compréhensible sans jamais perdre du temps à l’expliquer au spectateur. Ce qu’il y a de plus incroyable dans ce film, c’est que la quasi-totalité de ce qu’il s’y passe a été réalisé pour de vrai. Vous pouvez baisser ce sourcil inquisiteur, j’ai bien dit «pour de vrai»!
En effet, Georges Miller fait partie de ces réalisateurs qui restent très attachés au effets spéciaux physiques et qui cherchent à minimiser l’emploi du numérique dans leurs longs métrages, et Fury Road en est le parfait exemple. Aussi fou que cela puisse paraître, chaque cascade, chaque accident, chaque explosion, tout a vraiment été tourné sans passer par l’image de synthèse. Les scènes en véhicules ont été filmées en mouvement dans le désert de Namibie à l’aide de nombreuses astuces de tournage. Tous les véhicules qui apparaissent ont réellement été construits et testés, puis accidentés par des cascadeurs professionnels. Une bonne partie des cascades sur les véhicules ont aussi été effectuées par les acteurs et actrices, retenus aux véhicules par des câbles gommés numériquement. Et quant à la scène où un camion-citerne disparaît dans une gigantesque explosion au milieu d’une foule d’autres véhicules, devinez quoi? Miller et son équipe ont vraiment fait exploser un camion-citerne téléguidé en le filmant à part, puis l’ont incrusté par ordinateur au milieu des autres véhicules. Lorsqu’on voit ce passage à l’écran pour la première fois, on a peine à croire qu’une telle chose ait été tournée. L’accumulation de tous ces éléments donne inconsciemment un côté réaliste, voire presque organique, à ce qu’il se passe à l’écran.
Il y a quand même eu utilisation d’effets spéciaux numériques à plusieurs reprises lors du tournage, car toutes les cascades n’étaient pas forcément réalisables sans mettre en danger les acteurs. Par exemple, les combats sur le toit du Porteguerre ont été tournées sur le véhicule immobile devant un fond vert, tandis que certains décors de la Citadelle ont en partie été fait en images de synthèse. Quant à l’immense tempête de sable, vous vous doutez qu’elle est entièrement numérique et que Miller n’a pas envoyé ses acteurs tourner dans des conditions si dangereuses, pour ne pas dire mortelles.

Quand le film utilise des images de synthèse, il fait tout pour les rendre grandiose.

Nous avons parlé des visuels incroyables de Mad Max Fury Road, nous avons parlé de son scénario, nous avons parlé de son utilisation massive d’effets spéciaux physiques, alors parlons maintenant de ses personnages. Commençons donc par celle qui est pour moi le meilleur personnage de tout le film: Furiosa, interprétée par Charlize Theron. Bien qu’ayant la confiance d’Immortan Joe, elle déteste ce dernier et n’hésite pas une seule seconde à aider ses épouses à s’échapper pour les emmener vers l’endroit où elle est née: une région paradisiaque appelée la Terre Verte. Furiosa est, avec les cinq épouses, le seul personnage féminin du film et elle nous montre à de multiples reprises qu’il ne faut pas la sous-estimer. Loin de là. Furiosa rivalise au corps-à-corps avec Max, sait manier les armes à feu et pilote le Porteguerre comme personne. Ses compétences lui ont permis de se hisser très haut dans la hiérarchie post-apocalyptique, bien au-dessus des simples Warboys. C’est grâce aux moyens qui lui étaient accordés qu’elle a pu organiser son plan de fuite. Mais sous ses dehors brutaux, Furiosa cache un bon fond. En effet, elle ne rêve que de regagner la Terre Verte, son pays natal épargné par l’apocalypse.


Un des plus beaux plans de tout le film. On dirait presque un tableau.

Pour continuer sur les personnages féminins, les cinq épouses d’Immortan Joe ont beau être le moteur principal de la poursuite, elles restent assez effacées et silencieuses. Malgré leur aspect de demoiselles en détresse, ce n’est pas pour autant qu’elles sont inutiles ou incompétentes. Elles parlent assez peu, sans pour autant être totalement muettes, mais expriment la complicité qui les unit par de nombreux gestes et jeux de regards. Les actrices qui les jouent sont même devenues très soudées et complices au cours des six mois de tournage du film dans le désert de Namibie, loin de toute civilisation. Elles expliquent que cela aura été une aventure humaine pour tous ceux qui y ont participé, ce qui se ressent bien lorsqu’on regarde le making-of du film, que je vous conseille au passage si vous avez l’occasion de le voir.

Enfin, parlons de Max. Il faut bien parler de Max, non? C’est tout de même lui qui donne son nom à la saga. Dans les trois premiers films, Max laisse beaucoup de place aux personnages secondaires, en particulier dans les deuxième et troisième opus où il semble même subir l’histoire. Dans ces deux films, Max commence seul, puis croise la route de survivants qu’il finit par accepter d’aider, entraîné par la force des évènements, puis une fois leurs problèmes résolus, il se retrouve de nouveau seul, de son plein gré ou malgré lui. Cela ne fait pas pour autant de Max un mauvais personnage, mais plutôt un survivant comme les autres, uniquement préoccupé par sa survie et non animé par une vocation de héros. Cet aspect atteint son paroxysme dans Fury Road, étant donné que Max est embarqué de force dans la poursuite, attaché à l’avant d’une voiture et transformé en perfusion humaine. Il est de plus assez peu loquace et la muselière qu’il porte pendant une partie du film contribue à lui donner un aspect sauvage et renfrogné. Petit à petit, on se rend compte que Max peut être sensible sous cette carapace, mais aussi que la perte de ses proches peu de temps après l’apocalypse l’a rendu fou et qu’il entend régulièrement leurs voix dans sa tête. Hélas, Max est à mon goût trop effacé dans cet opus, au point qu’il a l’air de ne plus être le personnage principal de sa propre saga. À bien y réfléchir, c’est en fait Furiosa, le vrai personnage principal de l'histoire, tandis que Max est là pour aider.

Si je devais trouver un défaut au film, je dirais que pour un monde post-apocalyptique, l'univers du film n'a pas l'air si violent que ça. Certes, les combats sont brutaux et impressionnants, mais c'est à peine si quelques gouttes de sang giclent à l'écran. Sans pour autant demander un festival du gore aux geysers d'hémoglobine, on aurait pu s'attendre à un monde plus brutal, chose que les premiers films s'autorisaient un peu plus.
Pour conclure, Mad Max Fury Road est en premier lieu une course-poursuite dantesque. Deux heures de visuels à couper le souffle, en grande parties occupées par des combats de véhicules survoltés qui impressionnent encore plus lorsqu’on sait que les cascades ont vraiment été réalisées. Mais c’est aussi un univers intrigant que l’on apprend à comprendre sans que l’on nous lance des explications à la figure, des personnages attachants, des thèmes forts traités en sous-texte, le tout servi par des musiques marquantes. Si vous aimez le genre du post-apocalyptique, les cascades et les explosions, et que vous passez au-delà des a priori du type «C’est nul, y a pas de scénar’!», vous avez des chances de passer un très bon moment en le visionnant.
Et puis il y a une guitare lance-flammes! Sérieusement, qu’est-ce qu’il vous faut de plus?


Pour aller plus loin:

* Quelques critiques du film sur YouTube, avec lesquelles je suis d’accord ou non.

*Si vous vous procurez une version physique de Mad Max Fury Road, je vous encourage à regarder le making-of, qui est une véritable mine d’or dans lequel vous pouvez découvrir toutes les astuces utilisées lors du tournage et qui ont permis aux scènes d’action de voir le jour.

*En 2015, Max a profité de son retour sur nos écrans pour pointer le bout de son nez dans un jeu vidéo sorti sur Xbox One, Playstation 4 et PC. Malgré un scénario assez peu original, il se démarque par l’intensité de ses affrontements en véhicules et son monde ouvert regorgeant de détails, même si rempli jusqu’à en déborder de collectibles et défis annexes. Voici quelques tests du jeu si vous souhaitez en savoir plus:

*Et bien sûr, vous pouvez également découvrir ou redécouvrir la trilogie originelle Mad Max. J’ai personnellement découvert la saga avec Fury Road, puis je me suis intéressé aux autres films, que j’ai d’ailleurs beaucoup aimés.

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