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Moi à ma première partie: on va buter des Titans!!! - Source: Steam |
Ce jour-là, l'humanité a redécouvert ces sentiments qu'elle avait oublié depuis près d'un siècle. La terreur de jouer à des jeux bugués. L'humiliation de jouer enfermé dans un gameplay.
Lorsqu’on est fan d’une
œuvre, on aimerait qu’elle ne se termine pas même quand on veut à
tout prix en connaître la fin. On aimerait prolonger l’expérience,
faire en sorte que l’œuvre continue à vivre malgré le fait que
l’on ait eu droit au fatidique mot «Fin». Dans ce genre de
situations, il y a une chose à laquelle on a souvent du mal à
échapper: les produits dérivés, ou goodies.
Figurines imposantes et détaillées ou bien petites et simplistes,
posters ornant les murs de notre chambre, badges, T-shirts, verres,
sans oublier les indispensables agendas, chaussures et autres
services de table: il y en a pour tous les goûts. Il
est normal lorsqu’on apprécie un univers de rassembler des objets
qui prouvent notre amour pour lui. Et
après tout, y a-t-il plus grande fierté que de sortir dans la rue
en ayant la satisfaction de porter un caleçon Pikachu? Heu...c’était
peut-être pas le meilleur exemple du monde...
L’Attaque
des Titans, une de mes œuvres préférées tous médias confondus,
n’échappe pas à cette
règle. L’énorme succès du manga et de son adaptation animée a
donné naissance à une foule de produits dérivées en tout genres,
allant de magnifiques figurines coûtant de sévères entailles dans
le porte-monnaie à des
concepts plus...originaux, disons. Le marketing autour de cette série
à
succès est en effet si important qu’il a plusieurs fois franchi
les limites du ridicule. (Sérieusement,
Japon? Une pub pour des rasoirs? Sérieusement? Tu vas peut-être un
peu loin, là.)
Cela
peut être d’autant plus inquiétant si on prend en compte un autre
phénomène: le fanservice. Ce procédé consiste comme son nom
l’indique à inclure dans une œuvre des choses pensées uniquement
pour faire plaisir aux fans (personnage populaire mis en avant,
tenues très légères, etc), quitte à ce que cela n’ait
rien à voir avec l’histoire où son propos. Là où les produits
dérivés se contentent de continuer à faire exister une œuvre d’un
point de vue matériel, le
fanservice lui peut la
parasiter de l’intérieur et n’en faire qu’une coquille vide.
Une coquille certes
attirante, mais vide.
En
plus de ça, il n’est pas rare qu’un produit dérivé soit
lui-même une forme de fanservice. Par exemple, Birth of Livaï, le
spin-off de l’Attaque des Titans narrant les origines de Livaï,
n’existe-t-il pas uniquement parce qu’il s’agit d’un des
personnages les plus populaires du manga? Dans ce cas, on pourrait
sans problème le qualifier de fanservice, mais c’est un autre
débat.
Ainsi, lorsqu’un jeu vidéo
basé sur le manga à succès de Hajime Isayama est sorti, j’étais
assez sceptique. Et depuis que j’y ai joué, je le suis toujours,
car une question m’est souvent revenue en tête: ce jeu est-il un
produit dérivé pertinent ou du banal fanservice? Voyons cela.
Adapter un manga en jeu vidéo
peut parfois s’avérer compliqué. Bien sûr, lorsqu’il s’agit
de Naruto, One Piece ou Dragon Ball, il suffit de développer un jeu
de combat avec un mode Campagne suivant l’arc le plus récent de
l’histoire, un mode Combat pour voir tous les personnages se mettre
sur la tronche dans la joie et la bonne humeur, et une Galerie de
personnages et illustrations qui s’étoffera à mesure de la
progression du joueur. Mais dans le cas d’un manga comme l’Attaque
des Titans, cette solution n’est pas envisageable et la logique
voudrait plutôt que l’on crée un jeu permettant d’affronter les
Titans à l’aide du fameux dispositif de manœuvre tridimensionnel,
tout en suivant l’histoire. C’est ce qui a été fait ici et
c’est globalement une réussite.
Le jeu se décompose en deux
modes principaux. Le premier, le mode Attaque, est un mode Histoire
qui permet de revivre les évènements des deux premières saisons de
l’anime actuellement sorties. On alterne entre des cinématiques en
cell-shading assez jolies et des phases de gameplay dans lesquelles
on affronte les Titans. L’histoire originale est bien retranscrite,
à cela près qu’une bonne partie des scènes marquantes sont
écourtées dans les cinématiques, ce qui les rend bien moins choquantes ou marquantes. Elles sont loin d’être mauvaises, mais certaines
répliques ont disparu et donne une impression de scène condensée
pour quiconque a lu le manga et/ou regardé la série, ce qui est
dommage lorsqu’on connaît la puissance émotionnelle de certaines.
Ceux qui ont vu la fin de l’épisode 1 savent de quoi je parle.
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"Allez tout le monde! On va aller tabasser l'auteur de la chronique avant qu'il dise du mal de notre jeu! Qui est avec moi?" - Source: www.actugaming.net |
Quant au second mode, appelé mode Expédition, il consiste à accomplir des missions pour le bataillon d’exploration, soit une à la fois (Missions de reconnaissance), soit par groupes de trois (Expéditions). Cela permet aux humains de reconquérir des territoires occupés par les titans. Finir toutes les missions d’une zone débloque une nouvelle zone avec de nouvelles missions. A quoi ressemble les missions en question? Eh bien, c’est quasiment le même principe qu’en mode Attaque, les cinématiques en moins. C’est là tout le problème du jeu: passée l’adrénaline des premières heures, il devient répétitif et peine à se renouveler. D’autant que lorsque l’on termine toutes les Missions de reconnaissance, on obtient la possibilité de touuuutes les rejouer en difficulté rehaussé afin de pouvoir fabriquer des équipements de meilleure qualité. Alors certes, cette augmentation de la difficulté donne la sensation d’être un simple soldat galérant à se défendre contre les Titans, mais surtout ça empeste le remplissage.
Le
principe d’une mission reste globalement le même à chaque fois.
On est largué dans une grande zone (ville, plaine, forêt,…)
envahie par les Titans et on la traverse en les éliminant. Des
missions secondaires peuvent apparaître sous forme de signaux de
fumée verts, consistant la plupart du temps à protéger un allié
d’un groupe de Titans ou à escorter un PNJ vers un endroit
spécifique. La mission se termine lorsqu’on a localisé et éliminé
la cible principale, un Titan
plus grand, puissant et résistant que les autres. Il y a quand même
quelques variations dans le gameplay, comme l’ajout de grenades
neutralisantes, la possibilité d’utiliser des canons ou la
présence de pièges vers lesquels attirer les Titans (ce qui casse
pas mal le rythme des combats à mon goût), mais l’intérêt
principal des phases de jeu repose sur l’utilisation du dispositif
tridimensionnel. D’ailleurs, parlons-en.
S’il
y avait un point à ne pas rater dans la création de ce jeu, c’était
bien lui. Le dispositif de manœuvre tridimensionnelle. L’élément
principal des scènes d’actions de l’anime. Ce
harnais muni de deux grappins
qui permet aux soldats de voltiger à toute vitesse autour des Titans
pour les atteindre à la
nuque. Il est parfaitement retranscrit dans le jeu. Une fois les
commandes prises en main, on se retrouve à contrôler un personnage
qui traverse les décors à toute vitesse en se balançant entre les
bâtiments et les arbres et les premières impressions sont très
positives. La sensation de vitesse est particulièrement bien
ressentie, et à cela s’ajoute un sentiment de puissance lorsqu’on
enchaîne les acrobaties entre les éléments du décor avant d’aller
trancher la nuque d’un Titan avec un joli ralenti et de le voir
s’écrouler. Le déplacement se fait de façon libre et se gère
avec deux boutons (un pour
accrocher les câbles, un pour le boost)
et les deux sticks analogiques de la manette. Lorsqu’on
souhaite affronter un Titan, un bouton permet d’activer le mode
Combat, qui verrouille l’adversaire et offre la possibilité de
viser différentes parties du corps. En effet, un Titan sera bien
plus facile à abattre s’il
se retrouve privé de ses bras ou envoyé à terre après avoir eu
les jambes tranchées. Leurs membres ont d’ailleurs l’air d’être
aussi faciles à couper que du beurre, ce
qui en un sens rajoute à ce sentiment de puissance quasi-jouissif
que l’on a sur les Titans.
Mais
des fois...on se sent
peut-être un peu trop puissant. Parmi la dizaine de personnages
jouables, si on choisit Mikasa ou Livaï, c’est très simple: on ne
tue plus les Titans, on les massacre à la chaîne, on en fait de la
chair à pâté, on les découpe sans qu’ils puissent opposer la
moindre résistance, tant les caractéristiques de ces deux
personnages sont élevées. Pour tout dire, ils sont si puissants que
j’ai dû passer en mode Difficile pour
sentir une certaine résistance de la part du jeu, et là encore je
n’avais pas tant que ça
l’impression d’avoir haussé la difficulté. Pour vraiment être
mis en difficulté par les Titans, il faut jouer avec les personnage
les plus faibles comme Armin ou Christa.
Et
d’ailleurs, votre pire
ennemi dans ce jeu, ce ne sera pas les Titans comme
on vient de voir, mais un ennemi bien plus vicieux et impitoyable: la
caméra. Loin d’être catastrophique, elle a quand même des
moments de panique assez
fous. Cela vient du fait que
lorsque l’on se trouve en mode Combat, la caméra se place de façon
à ce que l’on voit le personnage de dos et aligné par rapport au
Titan qu’il affronte. Donc lorsqu’on se retrouve à affronter
plusieurs Titans dans un espace étroit, la caméra ne sait plus où
se positionner et l’action devient vite illisible. Ce
n’est pas arrangé par une interface qui est parfois un chouïa
envahissante (même si elle n’atteint pas le niveau de celle de
WoW, loin de là) et par des taches de sang qui viennent parfois un
peu trop éclabousser l’écran.
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Je blaguais pas pour l'interface... - Source: www.geeksbygirls.com |
En ce qui concerne l’intelligence artificielle, elle est souvent à la ramasse, qu’il s’agisse des alliés ou des ennemis. Les missions d’escorte peuvent devenir de véritables calvaires lorsque la cible à escorter n’a pas l’idée d’avancer si vous ne vous plantez pas à cinquante centimètres d’elle en hurlant «Tu peux avancer, glandu, je suis là!»; et ça c’est quand elle ne décide pas de se mettre à tourner en rond. Littéralement. Lors des batailles, on peut aussi être rejoint par des alliés qui peuvent nous aider à affronter les Titans. Si l’on joue avec Armin ou Erwin, on peut utiliser leur capacité Ordre pour envoyer les alliés frapper des zones spécifiques du corps d’un titan
Il
y a enfin pas mal de bugs de collision divers et variés. Lorsque la
caméra ne sait plus où se placer, il n’est pas rare que la mort
d’un Titan soit vue depuis l’intérieur de ce dernier. Mais
surtout, un bug en
particulier peut rendre
l’obtention d’un succès/trophée assez énervante. En effet, si
on utilise des lames longues, bénéficiant d’une plus grande
portée pour atteindre une cible, il arrive que le coup l’atteigne
de plein fouet, puis la traverse et aille frapper un autre Titan qui
se tenait beaucoup trop près. Ça
pourrait s’avérer utile si ce coup secondaire
n’échouait pas systématiquement en frappant au mauvais endroit et
était compté comme une attaque manqué. Alors lorsque vous tentez
d’obtenir le succès qui demande de réaliser cinquante
éliminations parfaites d’affilée et que ce bug vous arrive au
trente-cinquième (c’est du vécu...), le niveau de sel peut monter
assez dangereusement.
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Quand la caméra accepte de collaborer les combats donnent de très bonnes sensations - Source: www.psmag.fr |
Mais malgré les défauts que je viens d’énoncer, le jeu reste très agréable dans son ensemble sur de courtes sessions. Par courtes, j’entends «ne dépassant pas deux heures». Les combats restent très dynamiques et procurent un sentiment de satisfaction pour peu qu’on maîtrise les mécaniques de jeu, qui sont très accessibles. Le tout est servi par une bande originale réussie. Bien que l’on ne retrouve pas les célèbres morceaux de l’anime, tels que Guren no Yumiya, Vogel im Kafig, The Armored Titan ou encore The Reluctant Heroes, on a ici droit à une large partition aux mêmes accents grandioses et épiques qui correspondent si bien à l’ambiance de L’Attaque des Titans. Certaines sont mélancoliques et accompagnent les moments d’émotions, tandis que d’autres galvanisent le joueur en pleine action.
En
plus, les personnages sont interprétés par leurs doubleurs (ou
seiyu) originaux, avec un Yuki Kaji toujours aussi impliqué dans le
rôle d’Eren. On notera
quand même quelques petites coquilles dans la traduction françaises,
notamment au niveau des
grades, comme Erwin qui passe de major à commandant, ou le
caporal-chef Livaï promu lieutenant. Les
notifications en cours de
bataille laissent aussi à
désirer et donnent un aspect très automatique et prédéfini.
Ainsi, lorsqu’un membre du bataillon d’exploration est attaqué
par un groupe de Titans mené par un grand Déviant, le jeu va vous
expliquer que «Explorateur est attaqué par le groupe de Grand
Déviant». Wouaaaaah...
L’immersion narrative est totale…
Abordons
enfin le dernier point de cette critique, celui
qui m’a poussé à l’écrire:
le fanservice. Malgré la volonté qu’on dû avoir les développeurs
de faire un bon jeu, il est plus qu’évident qu’il a d’abord
été pensé comme un jeu pour les fans. En témoigne l’acte II de
l’histoire principale. Celui-ci est centré sur l’OAV (épisode
exclusif à l’anime) «Le carnet d’Ilse», un sympathique épisode
inspiré des pages d’introduction d’un des tomes du manga, et sur
un épisode de l’anime dans lequel Livaï et son escouade sont en
expédition hors des murs. C’est
tout. Et on en tire un acte à peu près aussi long que
les autres, quant à eux basés sur au moins six épisodes chacun.
Sachant qu’on ne joue que Livaï dans cet acte, malgré la
possibilité qu’on aurait pu avoir de jouer Erwin ou Hansi, et que
ce dernier est justement un des personnages les plus populaires
auprès des fans (en plus d’être surpuissant et
de rouler
sur ses adversaires, comme on l’a vu), il ne fait presque aucun
doute que cette partie de l’histoire n’est qu’un gros morceau
de fanservice.
Dans
l’acte final, on a accès aux Requêtes, des objectifs secondaires
confiés par des personnages.
Lorsqu’on a terminé toutes les requêtes d’un personnage, on
débloque une cinématique qui vient enrichir le background autour de
ce dernier. Ce qui me dérange, et ça reste personnel, c’est que
certaines me font plus penser à des micro-fanfictions. Il suffit de voir les titres de certaines requêtes, comme par exemple "Mikasa surprotectrice", centré sur Mikasa qui nous demande de tuer des Titans pour protéger Eren.
La
galerie quant à elle n’est pas tellement mise en avant et
s’adressera surtout à ceux qui veulent pouvoir admirer sous tous
les angles les personnages ou écouter les titres de l’OST sans
avoir à se soucier de Titans
qui voudraient les dévorer (ce qui est compréhensible).
En
somme, le jeu est un assez
bon produit dérivé, avec néanmoins quelques touches de fanservice pas ou peu
envahissantes.
Bilan:
Gameplay:
- Facile à prendre en main,
rapide, jouissif et impressionnant. Bref, une bonne dose
d’adrénaline.
- Trop répétitif passé le
frisson des premières batailles.
- Caméra parfois folle et IA
frisant souvent la stupidité.
Univers et scénario:
- Retranscription fidèle du
scénario original, malgré un aspect «remplissage» dû à la
similarité des missions et l’allongement de certains passages
(comme l’acte II).
- Une agréable plongée dans
l’univers impitoyable de L’Attaque des Titans, confortablement
installé chez soi.
Graphismes:
Un
cell-shading très plaisant et en accord avec le style manga du jeu.
Pas transcendant et avec
parfois quelques textures un peu moches, mais très beau dans l'ensemble.
Bande-son:
Des bruitages qui donnent
vraiment l’impression de se propulser à toute vitesse avec des
grappins rembobinés par du gaz pour aller trancher de la chair de
Titans. Une bande-originale qui retranscrit la dimension épique et
tragique de l’Attaque des Titans.
Durée de vie:
Entre vingt et trente heures pour
boucler l’histoire principale. Compter le double voir plus pour
débloquer l’intégralité des équipements et de la galerie et
atteindre le sacro-saint 100%.
Équilibrage:
Certains personnages sont
clairement avantagés par rapport à d’autres, au point d’en être
parfois beaucoup trop puissants. On a alors tendance à délaisser
les plus faibles. Peu d’originalité dans les compétences de
chacun, hormis la transformation d’Eren en Titan.
Rapport qualité/prix:
Soixante euros à sa sortie pour
un contenu assez répétitif, avec des bugs en tout genre et des
soucis d’équilibrage? Mais félicitations les gars! Je vous mets
un EA Games/20!
Ma note:
13,5/20
Attack
on Titan: Wings of Freedom n’est ni un bon, ni un mauvais jeu.
C’est un jeu correct. Il
saura sûrement séduire les fans du manga et/ou de l’anime et a le
potentiel pour faire découvrir l’œuvre
originale à de nouvelles personnes. Cependant,
il souffre de nombreux
petits défauts dont l’accumulation l’empêche d’être un jeu
qui marquera dans le temps.
P.S:
Félicitations à toi, internaute qui aura eu le courage et la
patience de lire cette critique jusqu’au bout, en cette ère
d’Internet où tout doit aller vite. Ou alors, peut-être que tu
t’es juste précipité vers la fin de la chronique pour lire la
note. Auquel cas...ben...c’est
ton choix ^^
Merci à FabledHeartless pour sa relecture de cette chronique!
Merci à FabledHeartless pour sa relecture de cette chronique!
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