Looney Tunes: Duck Amuck (Chronique Jeux vidéo #2)

Le seul endroit où Daffy a l'air badass: la boîte du jeu!
 
Depuis ma plus tendre enfance, je suis très friand de dessins animés et je peux encore en regarder beaucoup aujourd’hui. Aujourd’hui adulte, je prends encore un énorme plaisir à revoir les cartoons de Disney des années 30-40 que je regardais étant enfant. Deux studios m’ont principalement marqués à cette époque: Disney, leurs cartoons et leurs films d’animations, et Warner Bros avec les Looney Tunes. Je pouvais passer des après-midi entiers à regarder des DVD de Bugs Bunny, Daffy Duck, Porky Pig et toute la bande. Et parmi les dizaines d’épisodes que j’ai pu visionner, l’un d’eux occupe une place particulière dans mon cœur d’amateur d’animation: Farce au Canard, ou de son titre original Duck Amuck.

Savez-vous ce que l’on appelle le quatrième mur? Il s’agit d’un concept théorisé pour la première fois par le philosophe Denis Diderot et qui désigne au théâtre un mur imaginaire entre la scène et le public, les trois autres murs correspondants à l’arrière-plan et aux deux côtés de la chaîne. Il sert à séparer la réalité de la fiction. Au théâtre, on dit qu’un personnage brise le quatrième mur lorsqu’il passe outre cette séparation et s’adresse directement au public, chose courante dans beaucoup de comédies. Ce concept s’est petit à petit étendu à tous les médias de fiction: cinéma, romans, bande-dessinées, comics, mangas, jeux vidéo, etc. Un exemple très connu depuis quelques années: Deadpool. Cet anti-héros Marvel s’est fait une spécialité de briser le quatrième mur. Conscient d’être un personnage fictif, il passe son temps à s’adresser au lecteur, à blaguer sur les codes et clichés de narration et à faire des références à d’autres œuvres. On en a eu de nombreux exemples dans son film en 2016. Deadpool a également eu un jeu vidéo, dans lequel il n’hésite pas à appeler les développeurs au téléphone pour se plaindre de la présence de bugs. Mais bref, vous vous demandez sans doute pourquoi je vous parle de tout cela. J’y viens. 

Farce au Canard est donc un épisode des Lonney Tunes mettant en vedette Daffy Duck. Ce dernier commence l’épisode en costume de mousquetaire et joue sa réplique avant de se rendre compte que le décor a disparu. Il se tourne donc vers le spectateur et explique que c’est un dessin animé et que par conséquent il y a besoin d’un décor. Un dessinateur invisible lui crée alors un décor de ferme, l’obligeant à changer de costume. Commence alors une série de gags où Daffy va, pour notre plus grand plaisir, se faire malmener par ce mystérieux dessinateur de bien des manières, brisant sans cesse le quatrième mur d’une nouvelle façon. Changement de décor, modification de voix et de bruitages, pellicule qui déraille, écran noir de fin écrasant Daffy, gag sur le cadrage et les gros plans, tout y passe pendant les sept minutes que dure l’épisode jusqu’à ce que notre ami canard devienne fou de colère. Et cette petite merveille d’humour méta a connu une adaptation en jeu vidéo: Looney Tunes: Duck Amuck, sorti sur Nintendo DS en 2007.

Le cartoon Duck Amuck original, où Daffy en voit de toutes les couleurs.

Le principe du jeu est globalement le même que celui de l’épisode: énerver Daffy autant que possible, ce qui est représenté par un thermomètre servant de jauge de colère. Pour gagner et terminer le jeu, il suffit de le remplir complètement. Oui oui, vous avez bien lu. Terminer le jeu. On arrive déjà au principal problème du jeu: sa durée de vie. Il faut à peine une demi-heure pour voir le générique de fin. Pour éviter toute déception, cela doit doit être compenser par une excellente rejouabilité. Mais avant d’en parler, penchons-nous un peu plus sur le contenu du jeu.

Le jeu vidéo Duck Amuck reprend le concept de base du cartoon en nous présentant sur un fond totalement blanc un Daffy qu’il va falloir rendre fou de rage. Notre canard colérique est ici très bien retranscrit. On retrouve son caractère prétentieux et susceptible, mis en avant par sa voix française officielle, et la gestuelle à laquelle il m’avait habitué dans ses cartoons. En jouant à ce jeu quand j’ai, j’ai la sensation d’avoir l’épisode de mon enfance matérialisé dans ma console de poche. Mais hélas, on déchante un peu vite. En effet, le jeu présente quelques défauts majeurs qui viennent miner l’expérience de jeu. Je m’en vais vous les exposer, et pour cela penchons-nous sur le gameplay principal. Il faut tout d’abord déclencher le lancement d’un mini-jeu, une des méthodes les plus simples étant d’agacer Daffy en le tapant plusieurs fois sur la tête avec le stylet de la console, jusqu’à ce qu’il sorte de l’écran puis revienne avec des pots de peinture. Une fois qu’on en a choisi un, un décor et un costume en référence à un cartoon de Daffy se forment, puis un mini-jeu se lance. Chacun est constitué d’un gameplay très simple qui mobilise le plus souvent l’écran tactile, dure une dizaine ou quinzaine de secondes et est répété cinq fois avec à chaque fois un léger accroissement de la difficulté. Si l’on termine le niveau 5 du mini-jeu, on gagne la jauge de colère de Daffy augmente. A l’inverse, si l’on échoue trois fois, on perd et la jauge de colère redescend. Puis vous n’avez plus qu’à retaper Daffy sur la tête ou trouver un nouveau moyen d’accéder à un mini-jeu, et ainsi de suite. La plupart de ces mini-jeux sont plutôt sympas, car chacun présente un gameplay adapté au cartoon qu’il met en scène. Mais l’ennui, c’est que le fait de répéter cinq fois d’affilée le même micro-jeu de quinze secondes devient très vite lassant et n’invite pas à y rejouer. Les mini-jeux ne sont pas extrêmement nombreux non plus, une vingtaine tout au plus. En bref, si l’on combine le faible nombre de mini-jeux avec leur répétitivité, dire que la rejouabilité du jeu est loin d’être formidable est un doux euphémisme.

Malgré ces deux gros défauts que sont la durée de vie et la rejouabilité, Duck Amuck présente deux qualités non négligeables. Premièrement, il reprend parfaitement l’esprit d’atomisation du quatrième mur du cartoon original. En effet, notre ami canard est conscient d’être dans un jeu vidéo et qu’il se fait malmener par la personne derrière l’écran. Il réagit à ce qu’il se passe sur l’écran tactile et certains mini-jeux ne sont accessibles qu’en effectuant certaines actions. Par exemple, si vous attendez sans rien faire suffisamment longtemps, il va se demander quel genre de jeu Duck Amuck pourrait être. Les trois choix qui lui viennent à l’esprit offrent chacun l’accès à un mini-jeu. Autre exemple, un mini-jeu se lance si vous coupez Daffy en deux d’un coup de stylet. À chaque fois, le canard se sépare en deux copies plus petites de lui-même, et ainsi de suite jusqu’à disparaître et il vous faudra éliminer tous les canards avant la fin du temps imparti.

Deuxièmement, il exploite au maximum les possibilités de gameplay offertes par la Nintendo DS. Ainsi, l’écran tactile et le stylet permettent de découper, soulever, frapper ou lancer Daffy, tandis que souffler dans le micro le fera planer, attisera le feu de la marmite dans laquelle il est attaché ou éteindra la bougie qui lui permet de s’éclairer dans un manoir hanté. Rien de bien original, me direz-vous. Je suis moi-même de cet avis, étant donné que ces interactions se retrouvent dans de nombreux jeux de la console basés sur le principe du mini-jeu, comme par exemple Cooking Mama ou Mario Party. Mais Duck Amuck nous offre quelques trouvailles amusantes, notamment en jouant avec les réflexes des joueurs. Il y a par exemple un mini-jeu où Daffy joue le rôle d’un chef d’orchestre. Le joueur doit quant à lui actionner les touches d’un xylophone en suivant les notes qui défilent devant lui, un peu à la manière d’un Guitar Hero en beaucoup moins dynamique. La petite subtilité ici est qu’une des touches est piégé par des bâtons de dynamite. Au moment où cette note est demandée, il faut alors volontairement se tromper pour que Daffy s’énerve, vienne montrer au joueur comment faire et déclenche l’explosif.

A l'appel de la touche piégée, trompez-vous de touche pour gagner!

Il y a un dernier exemple dont j’aimerais vous parler, étant donné qui mélange les deux points que je viens d’aborder: briser le quatrième mur et exploiter le fait que le jeu soit conçu pour la Nintendo DS. Avez-vous déjà eu cette console? Si oui, avez-vous déjà joué à New Super Mario Bros? Si oui, il y a des chances pour que vous ayez déjà mis en veille votre console pendant une partie en la fermant. Dans ce cas, vous entendez alors la voix de Mario vous dire «Bye bye!», puis «It’s me, Mario!» lorsque vous la rouvrez. Duck Amuck pousse le concept beaucoup plus loin en vous offrant un mini-jeu caché. En effet, si vous fermez votre Nintendo DS et attendez quelques secondes, vous avez une chance d’entendre alors un Daffy paniqué vous demander de rouvrir en urgence. Il vous explique qu’il croit avoir vu un monstre rôder dans le noir et vous demande de refermer la console pour partir à sa recherche. Le canard apeuré vous guide en vous demandant de presser les boutons L ou R pour affronter la créature. Personnellement, je trouve cette petite trouvaille assez géniale.

D’un point de vue sonore, le jeu présente une bande originale discrète mais plutôt efficace aux accents cartoonesques, en particulier la musique d’introduction. Mention spéciale également à la musique du mini-jeu où l’on coupe Daffy en deux, qui risque de resteer gravée dans la tête de plus d’un joueur. Les bruitages sont quant à eux assez réussis. Oui, c'était court, mais j'ai peu de choses à dire sur cet aspect du jeu. 


Bilan: 

Gameplay: 
- Exploite au maximum les possibilités de la Nintendo DS: boutons, écran tactile, micro et même mise en veille.
- Des mini-jeux au gameplay varié qui ne sont pas sans rappeler des jeux comme Mario Party ou Cooking Mama. Agréables les premiers instants, ils deviennent hélas trop vite répétitifs.
- Assez peu de mini-jeux au final, surtout si on le compare à d’autre jeux vidéos ayant le même principe. 

Graphismes:
L’animation de Daffy et les décors sont très fidèles aux cartoons auxquels ils rendent hommage et je me suis très souvent surpris à en reconnaître. 

Bande-son: 
Des bruitages efficaces et une bande originale collant bien au contexte des différents mini-jeux. Certaines musiques ont un côté cartoonesque très agréable. 

Durée de vie: 
Ridiculement courte, compter une demi-heure pour terminer le jeu. Ce dernier n’est pas aidé par une rejouabilité quasi-inexistante, due au faible nombre de mini-jeux et à leur répétitivité. 

Rapport qualité/prix: 
Le jeu est disponible à la vente sur Internet et son prix varie fortement, allant d’à peine plus d’un euro à plus d’une vingtaine d’euros d’un revendeur à l’autre. Si vous voulez mon avis, ne mettez pas plus de quelques euros dedans, à moins que vous ne collectionnez les jeux de la Nintendo DS et que vous vouliez investir dans un exemplaire neuf. 

Ma note: 9/20 
Duck Amuck est un jeu qui aura su titillé ma nostalgie et mon goût pour les cartoons en adaptant l’idée originale de l’un d'eux au médium vidéoludique. Malgré de bonnes idées d’interaction avec Daffy et son esprit de mise en pièces du quatrième, il souffre de gros défauts qui en font un petit jeu sympathique mais très moyen. Il reste efficace pour de courtes sessions de jeux, par exemple pour s’occuper le temps d’un trajet ou autre.



Pour aller plus loin:

* Les tests de Looney Tunes: Duck Amuck par des sites spécialisés:

* Voici quelques exemples, parmi des dizaines d’autres, de brisage du quatrième mur dans les jeux vidéo. Si vous en connaissez, n’hésitez pas à les partager en commentaire.
- Dans Sonic The Hedgehog, si l’on ne touche à aucun bouton pendant quelques instants, Sonic s’impatiente et regarde le joueur en tapotant du pied.
- Dans Metal Gear Solid premier du nom, l’un des boss, nommé Psycho Mantis, fait une démonstration de ses pouvoirs psychiques au joueur en faisant vibrer sa manette et en fouillant dans ses données de sauvegarde pour les commenter.
- Dans la série de jeux Marvel VS Capcom, Deadpool est un personnage jouable et l’une de ses attaques les plus puissantes consiste à utiliser sa barre de vie pour frapper son adversaire.
- À la fin de Sunset Overdrive, le héros met le générique en pause pour expliquer aux développeurs que la fin où il meurt est nulle et rembobine la scène pour déclencher le combat contre le boss final.

* Le quatrième mur est également brisé dans d’autres œuvres que les jeux vidéo. En voici quelques exemples: 
- Dans le film Fight Club, le narrateur explique le principe des «brûlures de cigarette», des marques qui apparaissent sur les pellicules des films en fin de bobine. Au même moment, le personnage de Tyler pointe du doigt un coin de l’écran et une brûlure de cigarette y apparaît. 
- Dans une scène du film Sacré Graal, les héros sont poursuivis par une énorme créature animée, mais celle-ci disparaît car on voit à l’écran son dessinateur faire un infarctus. 
- L’anime Excel Saga s’est fait une spécialité de briser le quatrième mur aussi régulièrement que possible, notamment en faisant apparaître les scénaristes en tant que personnages.

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